"A Travers La Toile blanche"

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Le Ganioz Project Space (GPS) présente le travail de Christophe Constantin. Actif essentiellement dans les do- maines de la sculpture et de l’installation, ce jeune artiste et curateur d’origine valaisanne, s’inspire de la banalité du quotidien et notamment de celle de l’art dans son processus de création, de monstration dans un espace d’art contemporain et d’interaction avec le réel, renégociant le lien qu’entretient le spectateur avec sa propre réalité.

Pour sa première exposition personnelle en Suisse, Christophe Constantin présente une série de cinq pièces installatives accompagnées de dessins, qui interrogent le statut de l’œuvre d’art telle qu’elle est habituellement montrée dans un espace d’exposition. Témoignant, dans le processus, d’une économie de moyens qui s’observe par l’utilisation d’objets industriels et reproductibles, le travail de Christophe Constantin s’inspire de la banalité du quotidien et laisse au spectateur une sensation de déjà-vu. « Je m’interroge sur l’art, sa propre histoire, sa manière d’opérer, et sur la façon dont il interagit avec le réel. Vidés de toutes notions de spectaculaire ou d’esthétisme, mes ready-made, si je peux les appeler ainsi, recontextualisent le spectateur dans sa propre réalité. » explique-t-il. Adoptant le ton de l’humour, l’exposition est conçue comme une grande mise en abîme où les œuvres se mon- trent en phase de montage et deviennent ainsi représentations d’elles-mêmes. Tendant à l’absurde, ces installa- tions déstabilisent le spectateur dans sa propre réalité, remettant en question ses attentes souvent normées face à une œuvre d’art, dans « un monde où tout est spectacle* » et où la réalité contamine l’art, et inversement. Impli- quant autant l’artiste que le visiteur (Jetez-moi), le technicien que la femme de ménage (Petite Annonce), le trans- porteur que le gardien (Le Gardien) ou l’agent de sécurité (EMERGENCY), Christophe Constantin propose, avec iro- nie et cynisme, un questionnement sur l’art et sa représentation, dans le contexte même où il est montré.

Le titre qu’il choisit, À travers la toile blanche, renvoie à tout ce qui ne se voit pas derrière une œuvre d’art mon- trée en institution, mais il fait aussi référence au white cube (carré blanc), type d’espace d’exposition aux murs blancs apparu dans les années 70, qui vise par sa propreté et sa neutralité à supprimer tout contexte autour de l’art que l’on y montre. Généralisé et souvent considéré dans le monde de la muséologie actuelle comme l’espace d’exposition par excellence, ce genre de lieu, apparenté à un laboratoire aseptisé ne participerait-il pas à isoler et stériliser l’art contemporain ? Qu’est-ce qu’un espace d’exposition au juste ? À travers la toile blanche, c’est aussi un clin d’œil à l’art minimal et notamment à un certain Malevitch et à son carré blanc sur fond blanc, revisité ici en version panneau LED posé à même le sol (Non Finito). Dans la lignée des mouvements Nouveau Réalisme et Fluxus nés dans les années 60, Christophe Constantin rédige récemment sous le pseudonyme Porter Ducrist, un mani- feste intitulé Les Nouveaux Absurdes, prenant position pour une œuvre en lien avec la réalité quotidienne, « ce monde à l’envers, dans lequel toute logique est erronée et où la folie est devenue bon sens. Bienvenue au pays des merveilles. Un non-lieu où l’illusion est perpétuelle, un théâtre de l’incongruité […]. Les Nouveaux Absurdes trans- forment un geste en œuvre, et interrogent l’importance de ce geste. Ils tentent de représenter la position de l’homme dans la société qu’il habite en soulignant ses absurdités et ses incohérences […]. L’œuvre néo absurde se reconnait par sa précarité, sa simplicité, sa pauvreté matérielle et sa banalité. Elle n’a rien de spectaculaire ou de beau. *»

« Le salut de l’art se trouve dans l’idée de ne plus devoir être de l’art », pense Christophe Constantin. Cette exposition soulève donc beaucoup de questions dont celles du geste de l’artiste, de la portée de son intervention et du rôle de l’œuvre d’art dans ce qu’elle reflète de notre réalité contemporaine. /ajrl

(*citations du manifeste Les Nouveaux Absurdes, 2018, non publié)

Anne Jean-Richard